PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L'ÉCRITURE EUPHONIQUE

L’écriture euphonique est un concept d'écriture qui recherche la plus grande congruence sur le plan phonique et syntaxique. Très proche des règles de la poésie classique, elle est particulièrement adaptée à une lecture orale, effective ou intérieure (subvocalisante) pour des textes à vocation esthétisante ou poétique. Ses préconisations fondamentales à l'égard des auteurs sont les suivantes:

-évitement des cacophonies sur consonnes et voyelles
soir triste (cacophonie en r)
coteau ensoleillé (cacophonie o en)

-pour la prose, évitement des e post-accentuels dans le flux (e caducs en fin de mot susceptibles de se prononcer ou non à l’intérieur de la phrase)
Une étrange vision brille.
(e caduc à la fin du mot étrange incongruent)

Une étrange illumination brille.
(congruent)
Il nous est apparu que la seule solution permettant d’éviter les multiples inconvénients de ces e en prose (indétermination de prononciation, accumulation locale gênante…) était d'éviter leur présence. En poésie classique, cette restriction ne s’impose pas en raison des contraintes liées à la prosodie qui détermine un rythme spécifique et limite leur nombre.

-prononciation de toute liaison (et donc évitement des situations de liaisons incongrues par l'auteur)
Le goéland d’un coup émerge
(liaison p non congruente)

Il marchait en silence
(liaison t congruente)

-traitement oral au niveau d'une virgule traditionnelle
À l'intérieur des phrases, les virgules séparent des syntagmes relativement liés sur le plan grammatical, ce qui justifie au maximum l'existence d'une pause courte (la pause longue étant réservée aux points séparant les phrases). Or, l'existence d'une pause courte au niveau d’une virgule apparaît difficilement compatible avec certaines interfaces, engendrant alors des effets de cassure inopportuns:

La pièce est noire, exiguë.
(élision potentielle: pause incompatible)
Ces fleurs sont fanées, étiolées.
(liaison potentielle: pause incompatible)
Grésil, vent s'engouffrent.
(consonne brute: pause incompatible)
Neige, vent s'engouffrent.
(e post-accentuel: pause incompatible)

En revanche, la pause engendrée par la virgule apparaît beaucoup plus compatible avec les interfaces dont le premier terme est un son en voyelle.
Il est averti, prudent.
(terminaison en voyelle, ici i: pause compatible)
Une simple inflexion vocale sans pause nous apparaît plus convenante pour négocier les interfaces incompatibles, ce qui, notamment, permet l'élision ou la liaison de se réaliser.

-indications des pauses et inflexions vocales

Il nous faut donc indiquer au lecteur de pratiquer pour chaque cas une pause ou bien une simple inflexion vocale sans pause. Or, selon l’Académie Française, la virgule indique obligatoirement une pause courte.
La constatation que la charnière syntaxique au niveau d'une virgule ne devait pas toujours s’interpréter comme une pause obligatoire a conduit certains organismes à une redéfinition de ce signe, soit comme pur séparateur syntaxique sans indication de prononciation (Office Québécois pour la Langue Française), soit comme séparateur suntaxique induisant une pause facultative, choix laissé à la discrétion du lecteur (TLFi : Trésor de la langue Française informatisé...).
Il nous semble préférable de conserver la définition de l’Académie selon laquelle le signe de la virgule signifie une pause courte obligatoire, définition qui a l’avantage d’être univoque, indiquant sans ambigüité au lecteur comment il doit négocier ce signe. De surcroît, l'enseignement a établi, de fait, cette définition, beaucoup plus explicite pour les apprenants que la notion de délimiteur suntaxique, plus abstraite. L’inflexion vocale sans pause, elle, peut être indiquée par un signe de coupe (/) simplifié en (') après un mot pour une lecture plus facile. Exemple, considérons la phrase suivante en écriture traditionnelle comportant 3 virgules:
Fiers, ils paradaient, haussant la tête, élevant le poing.
En écriture euphonique utilisant le signe de coupe simplifié, nous obtenons:
Fiers' ils paradaient, haussant la tête' élevant le poing.
Cette phrase se lit en prononçant une liaison en z après Fiers au niveau d’une inflexion vocale, en ménageant une pause après paradaient au niveau d’une terminaison en sonorité de voyelle (donc compatible), et en respectant l'élision après tête au niveau d’une inflexion vocale.

-autres ponctuations à l’intérieur de la phrase en prose

À l’intérieur de la phrase, outre les virgules, l’on peut rencontrer d’autres ponctuations (différents points : deux-points, point d’exclamation…). Nous considérerons que ces points, correspondant généralement à une liaison syntaxique moindre par rapport à la virgule, doivent néanmoins toujours se négocier par une pause relativement courte. En ce cas, comme nous l’avons vu, la sonorité précédant cette pause courte doit être un son en voyelle pleinement prononcée :
Le soleil se levait ; l'homme alors sortit.
(pause courte sur un son en voyelle ai: congruent)
Le soleil brillait sur la campagne ; l'homme alors sortit.
(pause courte sur un e post-accentuel: incongru)

-cas particulier des ponctuations en poésie

En poésie, la métrique veut qu'en théorie, aucune pause ne soit permise à l'intérieur du vers, sous peine de détruire son entité rythmique. Ainsi, par exemple, une pause au niveau d'une césurz dans un alexandrin, le transformerait en 2 hexasyllabes. L’on pourra, en plus des signe de coupe, utiliser le signe de césure // simplifié en " pour indiquer la césure et permettre au lecteur de la marquer par un accent tonique. Si l’on veut utiliser d’autres ponctuations à l’intérieur du vers et qu’elles soient négociées en inflexion vocale (par nécessité de métrique), on peut adjoindre, après les ponctuations, le signe de coupe ou de césure, dont on convient qu’il annule la ponctuation en tant que pause.

Il vint' puis repartit ;" nous l’avions attendu.

Il marcha ;' son pas lent" parvint à nos oreilles.

Les signes de coupe et de césure peuvent être considérés comme une didascalie hors texte, extension à l'édition d'une pratique apparentée aux annotations des acteurs et déclamateurs.

-en prose, limitation des syntagmes (fragments de texte entre 2 pauses) à 19 syllabes
Cette valeur, que doit respecter l'auteur, est approxivement adaptée à la capacité respiratoire dans les conditions de la lecture déclamatoire.

-évitement des répétitions (participes, prépositions, conjonctions…), sauf structure en parallèle ou symétrie
Il vit le chevreuil qui fuyait sur le chemin qui s’enfonçait dans la forêt. (répétition incongruente de qui en série)
Il vit les écureuils qui sautaient, les oiseaux qui volaient. (répétition congruente de qui en symétrie)


En dernier lieu, singalons que ces préconisations constituent un cadre théorique de traitement oral (comparable à une exécution métronomique en musique). Elle n'exclut pas des effets personnalisés que le lecteur ou le déclamateur se réservent de ménager.

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