MACHU PICCHU

Poème épique de Claude Ferrandeix évoquant les ruines de l’ancienne cité des Incas, Machu Picchu.


Machu Picchu' Cité-Babel' cité-montagne
Machu Picchu' cité-mastaba' pyramide.
Machu Picchu' la ville" au-dessus des nuages
Telle parmi les rocs" l’aire où se pose l’aigle.

De niveaux en niveaux" l’on monte et l’on descend
Par les étroits lacis" des ruelles pentues.
Les dalles des parvis" dépassent les faîtages
Planchers surplombent toits" celliers dominent seuils.
L’on confond' s’étageant" soupiraux et lucarnes.
Les rues sont escaliers" et places belvédères.
Les paliers sont balcons" dans l’éther suspendus.
Les tortues avenues" sont rampes inclinées.
Machu Picchu' navire" amarré dans les airs
Cité-vaisseau voguant" sur la mer de la brume.
Les degrés' les gradins" gravissent les rochers
Comme un chemin céleste" à l’assaut de la voûte.
Ville-pic' tridimensionnelle' ascensionnelle
Ville-tour conduisant" au cosmos étoilé.

Machu Picchu' ville' inaccessible' inviolée
Ville invaincue' sinon" par le froid' par la neige
Par son propre défi" d’escalader les cieux.
Ville-tombeau' ville mausolée' cénotaphe
Machu Picchu' mémoire" ensevelie' perdue.
Cité-berceau' Machu Picchu' cité-relique
Citadelle évanouie" dans l’éternel silence.
Forteresse oubliée" d’un inconnu passé.

L’on croirait que revit" sous le rayon lunaire
L’antique métropole" abandonnée jadis.
Les momies congelées" sur les sommets andins
Munaos et mallquis" en drapé de cumbi
Pour l’Inti-Raïmi" vont-elles retourner
Dans leur ancien logis" festinant' ripaillant
Comme lors de Samain" parmi les survivants
Les squelettes blafards" du macabre Halloween?
Le cultivateur sème" au flanc d’Huayna Picchu
Graines du quinoa" semence des papas.
Le saunier revenant" d’amasser les javelles
Sur les marais perchés" aux coteaux de Maras
Dépose dans ses pots" l’inestimable gemme.
Le potier laborieux" dans son clair atelier
De ses doigts fins modèle" aryballes et jarres
Tandis que fume au fond" le four à céramique.
L’astronome en sa mire" au bord du Terreon
Suit le cycle incessant" du globe triomphant.
Les trapèzes parfaits" ajourant les bâtisses
Rythment par des puits noirs" l’adobe aux lueurs fauves.
Le bandeau lumineux" du grand temple solaire
S’anime en vifs reflets" sous le firmament sombre.
Dans la cella sacrée" loin des profanes yeux
Le timu d’or massif" pourfend la tendre gorge
Des victimes choisies" pour la sainte hécatombe.
Le cri du lama blanc" dans l’air purifié monte.
Puis la vierge palla" pétrit de sa main preste
La galette en maïs" arrosée de sang frais...

Mais au lever du jour" le rêve s’évanouit.
Vides sont les maisons" que hantent les pumas.
Seigneur de la cité" que l’Homme délaissa
Le condor plane en paix" sur le ruineux bastion.
Lamas et alpagas" dans les venelles paissent.
Dans le fond d’un canyon gémit l’Urubamba
Tel un douloureux flux" de pleurs et de sueurs
Que les humbles martyrs" en travaillant versèrent
Jadis pour édifier" ces murs de l’Impossible.

Machu Picchu' cité-secret' cité-mystère.
Nul jamais ne saura" ce qui la détruisit.
Fut-elle anéantie" lors de l’Apocalypse?
Finit-elle écroulée" par un violent séisme
Cruel ressentiment" de Huayna Capac?
Les habitants jaloux" de Cuzco' sa rivale
N’ont-ils pas démoli" ses temples orgueilleux?
Dans les cris de frayeur" les hurlements de peur
Fut-elle calcinée" par un vaste incendie
Qu’un parjure alluma" pour venger son affront?
Les tourbillons neigeux" l’hivernale rigueur
N’ont-ils chassé jadis" les résidents gelés?
Fut-elle décimée" par une épidémie
Lentement affaiblie" par l’invisible mal
D’une consomption lente" implacable' incurable
Que les dieux courroucés" dans ses rues propagèrent?

Son mystère insondable" est à jamais perdu
Celé dans les quipus" aux nœuds énigmatiques.

La Saga de l’Univers - Claude Fernandez - Éditions Sol’Air - © Éditions Sol’Air - 2007