Poème épique de Claude Ferrandeix évoquant la légende nordique médiévale d’Asa. Fuite et la vengeance de l’héroïne.
De sombres cavaliers" surgissent du brouillard
Galopant dans la nuit" vers Stiflusund la Grande.
L’un d’eux l’œil aux aguets" surveille la colonne.
Puis dans leurs pas guidés" voici de lourds traîneaux
Que tractent ahanant" des rennes aux longs bois.
Sous les bâches l’on voit" aux lueurs des flambeaux
Scintiller chaînes d’or" soieries' colliers' fourrures
Ceinturons et harnais" au décor de niellure
Coffrets et gobelets' dévidoirs' chandeliers
Broches et bracelets" agrafes trilobées...
L’on vient assurément" de piller une ville.
Sur la piste enneigée" que bordent les congères
Tout semble s’engloutir" en un profond silence.
Pas un homme n’émet" le moindre éclat de voix
Comme si l’on voulait" oublier le forfait
L’odieux crime commis" sous le couvert de l’ombre.
Sur l’un de ces traîneaux" glissant dans les ténèbres
Se profile une forme" aux longs cheveux dorés
Tremblante et frémissante" au vent de la toundra
Butin vivant' joyau de chair' la reine Asa.
De lourds sanglots secouent" sa poitrine oppressée.
Moins désespérée fut" Hélène quittant Sparte
Briséis rejoignant" le camp d’Agamemnon
Que cette prisonnière" emmenée par Gudrodr.
«Hélas' triste est ma vie" triste est ma destinée.
J’étais heureuse' aimée" dans mon domaine vaste.
Mon père avec mon frère" à mes côtés veillaient.
Voilà que les milans" de leur chair se repaissent.
Vous que tant j’adorais" vous n’êtes plus que souffle
Dans le Nifheim glacial" attendant sépulture.
Plus rien' las' ne subsiste" en notre fief ruiné.
Maintenant est rasé" notre puissant château
Réduit le haut donjon" rompu l’épais rempart.
Ma ville chère' Agder" un jour te reverrai-je?
Que vais-je devenir" esclave du vainqueur?
Faudra-t-il' infamie" déshonneur' ô vergogne
Que j’étreigne demain" cet immonde assassin
Que je reçoive' horreur" ses répugnants baisers
Que j’offre ainsi l’amour" à l’abject prétendant
Le cruel meurtrier" de ma lignée chérie.
D’un bond hardi plutôt" me jeter sans regret
De la haute falaise" au fond des flots marins
De même qu’Aïto" l’enfant de Kaleva
La vierge au teint neigeux" aux blondes cadenettes
Pour ne point épouser" le vieillard Vaïno.
Plutôt me dépecer" avec mes propres ongles
Plutôt livrer mon corps" à l’avide glouton.
Vous n’aurez disparu" mon père et vous mon frère
Toi Gyrr qui me fus cher" fils d’Harald-Barbe-Rouge
Sans qu’un jour ne survienne" un juste châtiment
Car je possède encor" malgré notre infortune
Pour venger mon opprobre" un serviteur fidèle.
Ce n’est pas vainement" que votre sang coula.
Ce n’est pas vainement" que pour moi vous mourûtes.
Par Gefjon' donatrice" et Freyia' génitrice
Par les trolls habitant" les cavernes profondes
Par les elfes hantant" la brume des montagnes
Je le jure en mon nom" par les Nains' les Géants
Cet homme vigoureux" orgueilleux et farouche
Qui fièrement galope" au devant du convoi
Demain sera cadavre" étendu sur le sol.
La Saga de l’Univers - Claude Fernandez - Éditions Sol’Air - © Éditions Sol’Air - 2007