La Lettre littéraire qui paraît une à deux fois par mois vous propose un commentaire de l'auteur généralement sur un extrait de ses ouvrages (texte, vidéo) ou sur le thème de l'esthétique littéraire...


PRONONCER LES LIAISONS… OU PAS - 2023-04-12

Si Daniel Pennac revendique le droit pour le lecteur de lire comme il veut, l’on pourrait lui opposer, symétriquement, le droit pour l’auteur d’être lu comme il veut, Ce dernier n’est-il pas légalement protégé contre toute modification du texte? Sauf que l’interprétation orale n’entre évidemment pas dans cette disposition. Seule la Grammaire pourrait plaider en faveur de l’auteur sur ce chapitre. En effet, les règles orales de prononciation en sont une partie intégrante, ce qui est écrit en toutes lettres dans les ouvrages prescriptifs de référence. Sauf que subsiste parfois un certain flou dans ces règles. C’est le cas justement en ce qui concerne les liaisons. Or, ces dernières déterminent en partie le registre de langage, d’où l’importance de leur prononciation ou non. Qui plus est, certaines de ces liaisons sont bienvenues, d’autres peu esthétiques, d’où la nécessité d’une discrimination topique laissée habituellement à la discrétion du lecteur.

On ajoutera qu’outre l’effet sur le registre de langage, l’évitement des liaisons congruentes produit inévitablement des hiatus. L’Académie fut méritoire, me semble-t-il, d”avoir conseillé dans sa Grammaire de 1932 l’évitement de ces cacophonies vocaliques dans la prose, ce qui provoqua l’ire de Ferdinand Brunot, Doyen de la Faculté des Lettres de Paris, jugeant cette préconisation malvenue. L’on voudra bien admettre la compétence de ce linguiste sur le plan grammatical, mais l’on peut regretter son insensibilité à l’euphonie.

En tant qu’auteur-déclamateur, j’ai imaginé une didascalie afin de signifier au lecteur l’opportunité de respecter les liaisons. Le procédé consiste à intercaler la lettre de liaison, sans modifier l’orthographe des mots.

Voici un fragment textuel en prose selon cette didascalie. Pour cet exemple, en écriture euphonique, toutes les liaisons sont préconisées comme en poésie:

Usant' t abusant de sa tautologie vicieuse' indue, le grand-père' ainsi, développait fallacieux' nébuleux syllogismes. Tel un virtuose' il en nourrissait le contenu de leur substance. Comme un judoka matois' z il retournait le discours de ses détracteurs. Semblable au rétiaire' il emprisonnait, ligotait le belligérant’ dans son filet d'apories z inextricables. Selon ses prévisions, la Révolution de l'Immobile étoufferait le mobile. Ce destin maudit, bientôt' s'abattrait sur les z humains désespérés. Les trémolos de sa voix' s'éraillant' s'aphonant, suggéraient l'effroi de cette apocalypse indolore.

En conclusion, il faut bien admettre, raisonnablement, que cette didascalie ne saurait être utilisée pour une édition courante à destination du public. Sa vocation est de s’adresser aux déclamateurs, ce qui rejoint la pratique des notes manuscrites qu’inscrivent parfois les acteurs lors des répétitions.







ASPIRATIONS DANS LA LECTURE DES TEXTES LITTÉRAIRES - 2023-02-01

Les aspirations dans la lecture des textes littéraires est-elle positive, neutre ou négative sur le plan euphonique? C'est le sujet dont nous débattons - au choix par le médium d'un article ou d'une vidéo, selon votre préférence personnelle.

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MERVEILLES ENFOUIES - 2023-01-06

Quand la géologie crée de grandioses architectures par agrégation d’infimes particules. Sous les telluriques strates, elles resteront ignorées, puis seront détruites sans que nul œil humain ne les contemple.

Le déluge sans fin" submergeait la surface.
Là naissait une source" et là mourait un fleuve
D’un mont surgi soudain" le jour suivant détruit
Pour toujours disparu" dans l’insondable gouffre.
L’érosion lente et sûre" exécutait sa tâche
Vermine sans repos" implacable' insatiable
Soumettant' corrodant" les géants granitiques.
L’eau scindait patiemment" les réseaux cristallins
Dissolvait la silice" et clivait les micas.
L’infiltration forait" les dolines et combes.
Les cascades et rus" déboulaient dans les vaux
Découpaient des lapiez" écartaient les diaclases
Perforaient les vallées" creusaient vallons' canyons.
Les torrents déchaînés" sombraient dans les avens
Serpentaient sous le sol" en un profond boyau.
De leur fin carbonate" ils construisaient ainsi
De fabuleux palais" aux fantastiques salles
Parées de hauts piliers" calcitiques tentures
Stalagmites montants" et tombants stalagtites.
Le hasard engendrait" sans nulle utilité
Ces merveilles enfouies" jusqu’à la fin des mondes.

RÉTROSPECTIVE LETTRE LITTÉRAIRE 2021 - 2022